Nous venons de recevoir une demande d’une agence web française qui souhaite « désirant faire du offshore avec des sociétés digitales roumaines ».
La formule ne manque pas d’interpeller, car si du point de vue nord américain par exemple nous pouvons être considérés (vu la distance) comme une agence digitale offshore répondant à leurs besoins en terme de programmation offshore, pour des européens, notre coeur de cible, nous sommes clairement une agence de développement web nearshore.
Alors, simplification, confusion, méconnaissance ou simplement angle d’attaque tarifaire pour essayer d’obtenir de la programmation nearshore au tarif du développement offshore ? Il semble dans tous les cas qu’il faille bien repréciser les deux notions.
Dans le cas du nearshore, les clients peuvent avoir intérêt à entretenir le flou en relation avec le offshore (très distant lui / sur un autre continent), même si ils ne sont pas forcément dupes ; d’ailleurs je ne me souvient pas d’avoir entendu le moindre retour d’expérience réellement positif de clients ou prospects concernant leur sous traitance en Inde, le pays phare du développement informatique offshore…
A la décharge aussi des prospects, l’évolution des pays dits nearshore, dont la Roumanie, a été extrêmement rapide ; c’est en 2004 que la Roumanie est rentrée dans l’OTAN et que son adhésion à l’UE a été actée (pour être effective en 2007), et en dix ans les progrès réalisés dans le pays, au moins dans le secteur du développement web nearshore, ont été phénoménaux. Cela, les clients ne le savent pas forcément, mais du coup il n’y a rien de comparable entre les tarifs de développement nearshore de 2004 (assez proches à l’époque des tarifs de développement offshore) et ceux d’aujourd’hui…
Enfin sur cette partie introductive, les clients potentiels, surtout si ils se lancent pour la première fois dans l’externalisation offshore, n’ont guère de points de comparaison, ils sont dans une approche « ex ante » et le seul critère objectif qu’ils identifient tout de suite sera le prix. Ensuite ils découvriront tout le reste, mais ils ne seront alors plus totalement libres de réorienter les choix techniques…
Ainsi par exemple nous avons eu un contact prometteur avec un associé d’une start-up de Suisse Romande, et celui ci nous a finalement indiqué qu’il ne pouvait pas nous retenir car notre tarif horaire était sensiblement supérieur à celui d’une SSII offshore des Philipines. Je me suis efforcé de lui faire comprendre, sans succès, qu’ayant des contraintes de coût très différentes, (mais aussi des contreparties de poids) nous ne pouvions pas nous aligner au niveau des tarifs offshore.
Mais ce qui est triste c’est que quand j’ai recontacté cette même personne l’année suivante, dans le cadre de l’implantation commerciale de notre agence web neashore en suisse romande il m’a indiqué qu’il n’était pas satisfait du travail de son sous traitant offshore, et qu’il voulait nous re-consulter, mais comme entre temps le travail avait été commencé sur un framework de développement duquel nous n’étions pas familiers, nous n’avons hélas pas pu donner suite à cette nouvelle demande…
Entrons maintenant dans le détail des contraintes du développement web offshore
– Qui dit prestation offshore dit distance, et qui dit distance dit le plus souvent (au moins si on parle de latitudes éloignées) un fort décalage horaire, donc une réduction de l’interactivité, et souvent aussi de la réactivité en cas de difficulté (sauf a payer des astreintes de nuit, plus chères…)
– Les distances ont aussi un impact sur les rencontres réelles entre vos équipes et celles du sous traitant offshore ; certes skype ou équivalents sont fort utiles, mais des « vraies » rencontres sont parfois précieuses sur des projets critiques, et si il faut prévoir 20 heures d’avion rien qu’à l’aller cela diminue la réactivité, et également la productivité des personnes qui se déplacent, à la fois du fait des pertes de temps, de la fatigue due au transport et du décalage horaire.
– Ensuite les équipes de développement nearshore seront généralement issues d’un autre continent que l’Europe, ce qui implique des mentalités différentes de celles des clients, une manière de communiquer différente, des implicites différents et donc cela accroît les risques d’incompréhension ou de malentendus.
– Les législations des pays des prestataires sur la confidentialité et la propriété peuvent être très différentes de celles qui ont cours en Europe, et même si elles sont protectrices sur le papier, sont elles réellement appliquées, y compris au profit d’un étranger ? Et même si c’est le cas, comment trouver en cas de besoin un avocat fiable, sérieux, qui vous comprendra et vous proposera un tarif comparable à celui demandé aux locaux ?
– Enfin, la zone nearshore, surtout celle intra UE offre elle un bonne stabilité politique, du fait de l’existence de gouvernements démocratiquement élus et que personne ne devrait avoir intérêt a renverser par le biais d’une révolution colorée ou fleurie. Et elle bénéficie aussi d’une bonne stabilité au niveau des infrastructures et de l’énergie (électricité), ce qui la aussi se révèle un avantage majeur par rapport a beaucoup de pays offshore.
Et a contrario, en creux par rapport au offshore, le développement nearshore offre en principe proximité horaire, géographique, culturelle, linguistique, avec des lignes aériennes assez denses et vols fréquents, et cerise sur le gâteau il n’est généralement pas nécessaire de passer par la case visa de séjour soit pour aller voir sur place l’équipe qui travaille pour vous, soit pour faire venir dans vos locaux un chef de projet du prestataire nearshore qui participera à des réunions et autres briefings clients.
Au final donc beaucoup de différences, et finalement un seul élément vraiment favorable aux entreprise de développement informatique offshore, à savoir le prix, il est donc logique que les écarts de prix entre la programmation offshore et le développement PHP nearshore (ou autre) soient généralement très significatifs.
On pourrait pousser les comparaisons au-delà, en s’axant spécifiquement niveau des tarifs et en incluant le « on-shore », tant encore une fois beaucoup de clients potentiels font spontanément des comparaisons qui ne nous semblent pas forcément pertinentes, probablement par manque de recul et d’éléments objectifs, ceci fera l’objet d’un prochain post…