Cette formulation très «évangélique» ne doit bien sur pas être prise au premier degré… 😉
Ceci dit, sans arriver à l’apocalypse, nous sommes entrée dans une nouvelle ère économique très différente de la précédente… Le boom économique des années passées, et même au delà, a été largement entretenu par l’augmentation de l’endettement, spécialement celui de ménages américains…
La Roumanie a largement copié ce modèle américain dangereux, par l’expansion frénétique du crédit, la bulle immobilière, l’explosion des malls pour une croissance largement basée sur l’expansion du commerce vendant (bien souvent à crédit) des marchandises pour la plupart importées…
Et après un état de grâce jusqu’à l’été 2008 (+ 9,3 %de rythme annuel de croissance à mi 2008) le pays est passé sans transition à un véritable effondrement ( -8,7 % sur le second trimestre 2009). Imaginez la violence du choc quand on voit la sinistrose dans les pays d’Europe de l’Ouest qui sont en comparaison passés d’une faible croissance à une «modeste récession».
Facteur aggravant, la totalité de l’effort d’ajustement (pour réduire un déficit de la balance de paiements qui était grimpé jusqu’à 14 % du PIB, les préteurs privés étrangers n’ayant brutalement plus envie de prêter) a du être assumé par le secteur privé. Le secteur public a (presque) continué sur sa lancée de 2008, avec des coûts salariaux sur 2009 en hausse de 6 % au niveau de l’Etat, et de près de 20 % au niveau des structures publiques bénéficiant de revenus propres et des communes… c’est vrai que 2009 est une année électorale… comme presque tous les ans hélas…
Voilà pour le niveau «macro», global…
Au niveau des entreprises maintenant, au niveau micro, nous avons également ressenti une période de bulle, très accentuée disons de fin 2006 à l’automne 2008… Comme tous les prix explosaient, il est logique que les salaires aient un temps fait de même… Il y avait dans l’air l’idée qu’une fois entré dans l’UE, tout en Roumanie devenait possible, et même logique… l’euphorie ambiante poussait à la fuite en avant, investisseurs et salariés étaient convaincus que le pays allait très vite rattraper les autres pays de l’UE, et ce genre de conviction entretenait la bulle d’excès de confiance, donc le sur-investissement immobilier et la sur-consommation, donc la forte hausse du PIB, ce qui augmentait encore plus la confiance, etc… mais sans lien avec la productivité réelle de l’économie qui elle ne progressait elle que plus lentement…
Pour ce qui est de notre politique de personnel, nous avons toujours parié sur les jeunes et leur promotion interne. Les jeunes sont enthousiastes, et ils n’ont pas été «formatés» (déformés d’un certain point de vue) par un contexte professionnel antérieur, ce qui doit les rendre plus réceptifs à notre méthodologie de travail et de reporting. Pourtant, nous avons progressivement réalisé qu’au bout de quelques années la grande majorité de ces jeunes partaient ailleurs, pas seulement pour «mieux», mais pour autre chose, pour changer, du fait qu’avec le temps les avantages de notre sociétés leurs étaient devenues totalement naturels, et ses inconvénients tout à fait rédhibitoires…
Au fil du temps nous avons constaté que les jeunes partaient de plus en plus vite (au bout d’un an, voire moins…), vu la multiplication des offres sur un marché «bullier». Ils n’étaient pas dans une logique de promotion hiérarchique (laquelle n’est pas fermée chez nous pour ceux qui en ont la volonté et la capacité) mais au contraire voulaient souvent gagner sensiblement plus en faisant sensiblement le même travail…
Et comme l’économie semblait s’acheminer vers le ciel, des entrepreneurs n’ont pas hésité à offrir les salaires qu’on leur demandait… sans mettre en face la productivité des personnes en question et la viabilité de la demande…
Avant la crise mon associé était parvenu à la conclusion (du fait aussi de la généralisation de cette attitude de type «mercenariat») qu’il était devenu nécessaire d’embaucher des salariés ayant déjà une première expérience un peu significative, ayant déjà travaillé ailleurs, bref ayant plus très qu’un vague portefeuille sous le bras… (disons au moins une année en entreprise…)
Ceci d’une part parce que l’effort de formation pratique les concernant était largement moindre, (appréciable en période de turn-over) et d’autre part parce ce qu’un salarié ayant déjà connu une autre société évaluera de façon beaucoup plus objective ce que nous lui offrons, réduisant la probabilité de départ (ce dernier point s’étant d’ailleurs assez largement vérifié, les «2eme expérience» partent moins facilement que les «1ere expérience»)
Aujourd’hui, une fois passé la désorientation due à la crise, les entreprises et les salariés voient bien qu’en dépit des gesticulations politiques bien souvent pathétiques, ou peut être même à cause d’elle, la crise sera longue, il n’y aura pas de retour à «l’age d’or», ou alors ce sera un age d’or typiquement roumain, un peu dans le style de celui annoncé par Ceaucescu pour les années 80, et au cours duquel les gens avaient du mal à trouver de quoi nourrir leur famille… (on en est heureusement pas encore là…)
Du coup, nous avons été recontactés par plusieurs anciens salariés qui, après être parti «pour des lendemains qui chantent» se sont rendus compte, pour diverses raisons, que
Transycons, finalement, ce n’est pas si mal…
Certains avaient cédé aux Sirènes de la capitale, Bucarest, mais n’ont pas réussi par s’y adapter, ce qui n’est pas très surprenant du fait qu’une large majorité des transylvains (moi y compris) considèrent (et pas seulement par chauvinisme) que cette ville est de plus en plus invivable… la population ne peut pas grimper sans cesse sans une réelle mise à niveau des infrastructures… (mais pour ca il faut raisonner à long terme…)
D’autres ont rejoint pour un meilleur salaire des start-up «pleines de promesses», et une fois la courte euphorie passée, ont d’abord vu leurs salaires diminués (seule alternative aux licenciements) avant que ces personnes se retrouvent à la porte du jour au lendemain (information envoyée en pleine nuit par SMS), pour cause de disparition subite et brutale de la société qui les employait…
Il est clair que les sociétés qui n’ont pas su diversifier à temps leur portefeuille client, voire qui s’étaient endettées au point de ne pas pouvoir supporter un allongement des délais de règlement clients, ou qui présentaient d’autres graves fragilités de ce type sont mortes ou agonisantes…
Et que deviennent ceux qui étaient leurs salariés ?
Pour eux la concurrence est féroce, car le système d’enseignement supérieur roumain, qui tourne à plein régime (et même en sur-régime dans certaines spécialités peu recherchées ) a fourni récemment (du fait des chevauchement du au passage au système de Bologne dit LMD) plusieurs générations de jeunes diplômés qui savent qu’on ne les attend pas, et donc qu’on ne leur fera pas de cadeau sur le marché du travail.
Ceci se traduit par une inflation des candidatures, on dépasse facilement la cinquantaine de CV reçus pour la moindre annonce, cela doit rappeler à mon associé l’époque ou il a trouvé son premier job (administrateur de systèmes chez un important éditeur de progiciels), il y a une dizaine d’années… la concurrence y était tout aussi féroce…
De notre côté nous avons étudié sans a priori les demandes de « retour » qu peuvent présenter des avantages. Il est vrai qu’une personne qui revient chez nous connait largement nos méthodes de travail, j’écris largement car nos méthodes évoluent, en clair progressent 🙂
La personne est de plus connue; donc cela réduit fortement l’incertitude due aux nouvelles embauches.
En outre, instruite par les faits sur la valeur de la stabilité ces personnes propose parfois spontanément des engagement de durée chez nous, et de revenir à un salaire sensiblement inférieur à celui qui était le leur avant leur départ… ce qui ne nous paraît pas souhaitable, une personne devant pouvoir vivre décemment de son travail.
Il est clair pourtant que cette personne devra, beaucoup plus que les collègues qui nous sont restés fidèles du temps de la surchauffe du marché local de l’emploi, refaire ses preuves au niveau de la qualité et de l’efficacité de son travail.
Au final donc, si cette personne a continué pendant son «absence» à se perfectionner dans les technologies que nous utilisons, et si son profil correspond à un besoin actuel chez nous, comme nous avons repris les embauches, cette personne pourra retrouvera une (et non sa) place chez nous. Mais, étant basé sur un ensemble de conditions bien précises, ce retour ne saurait toucher au mieux qu’une minorité de nos anciens collègues… parmi ceux qui en émettraient le souhait…